Le Collectif Transbordeur
Un pont entre art et société
Le collectif Transbordeur mêle création artistique et engagement social et cherche au jour le jour, à son échelle, au sein de créations pluridisciplinaires et polymorphes à re-donner un pouvoir d’action à chacun.e par le moyen d’échanges égalitaires, par la valorisation des paroles et des récits de chacun.e, par l’exploration de nouvelles manières d’être et de faire ensemble. Comment en ces temps de crise généralisée, de repli sur soi, contourner les logiques individualistes, tenter l’ouverture à l’autre et ré-enchanter l’espace du vivre ensemble ? En remettant en cause l’imaginaire social là où il se fige.
En promouvant l’art comme facteur d’épanouissement et d’émancipation pour toustes.
Nous réunir. Faire naître la curiosité, le désir d’aller vers l’autre, celui vers lequel nous n’osons pas aller, briser les cloisons et expérimenter avec cet autre, ces autres, des espaces de création, d’innovation, de réinvention du faire ensemble. Faire émerger la parole, les paroles éparses et morcelées, de ceux que l’on entend peu ou pas. Se parler, s’écouter, accepter les limites qui nous dessinent, pouvoir les retracer, s’appuyer sur ce qui nous rassemble autant que ce qui nous éloigne, ne pas avoir peur de mettre en jeu nos divergences, en faire une matière de création. Faire du collectif une force où puiser l’énergie de changement pour soi et pour les autres.
Rêver ensemble, oser poétiser le monde.
Une démarche de l’aller-vers
Le Collectif Transbordeur s’inscrit au croisement de la création multidisciplinaire, des écritures du réel, et de l’éducation populaire, dans une anthropologie créative et militante. Un théâtre porte voix qui se produit autant sur une scène de théâtre que dans l’espace public. Pendant 7 ans dans le quartier de Belsunce, le Collectif Transbordeur, associé au théâtre de l’Œuvre et sous l’impulsion de la metteuse en scène Sarah Champion-Schreiber active une démarche de théâtre à ciel ouvert. L’objectif est de faire sortir le théâtre de ses murs pour investir son quartier, aller à la rencontre des habitant.es là où ils se trouvent, dans la rue, sur les places, aux terrasses des cafés, dans les structures sociales…
D’emblée nous nous présentons comme le théâtre de la parole des habitant.es, et nous récoltons des paroles régulièrement sur des thématiques spécifiques que nous faisons entendre lors des veillées de paroles. Ces paroles deviennent parfois un matériau d’une création qui prend différentes formes : expo de photo-récit, film documentaire, déambulation performative, et création théâtrale participative.
A la question comment faire en sorte que les habitantes franchissent les portes d’un théâtre nous avons répondu en sortant nous mêmes du théâtre. Nous allons à la rencontre des habitant.es, non pas dans des formes de médiation classique qui invitent les gens à venir voir nos spectacles, mais dans des actes artistiques qui s’inventent ensemble, in situ. Nous sommes repérées comme « l’équipée» du théâtre de Belsunce. Nous sommes en lien avec toutes et tous, commerçants, artistes locaux, artisans, les acteurs sociaux-éducatifs et culturels, non pas pour leur apporter une offre culturelle exogène, mais pour réfléchir collectivement, créer et faire culture ensemble ! C’est tout un quartier en transformation et le théâtre dedans ou dehors, participe activement à cette transformation.
Le collectif Transbordeur met au centre de son travail artistique le récit, le témoignage, la parole. Nous nous intéressons à la vie des gens et à la manière qu’iels ont de la raconter. Nous mobilisons les techniques de l’éducation populaire (eg. Cercles de paroles, porteurs de paroles, petite histoire grande histoire …) pour créer des espaces où la prise de parole est possible pour toutes et tous, dans l’écoute, le non-jugement, la conscience et le respect du temps de paroles des autres. Nous mettons également en lien ces récits avec les traditions orales populaires. Les langues et les récits se croisent, se mêlent, pour une mise en partage des imaginaires, une poétisation et une créolisation au sein du quartier de Belsunce. J’aime en ce sens les concepts de créolisation du monde et de créolisation de nos identités développés respectivement par Édouard Glissant et Paul B Préciado.
Création participative – Une maïeutique en mouvement |Sarah Champion-Schreiber
“Au départ du travail que je mène c’est toujours la parole brut, des récoltes de paroles dans l’espace public, des cercles de paroles avec les participant.es, des temps d’échange en tête à tête, des moment d’interview que je fais et où je prends le temps de creuser avec chacune des participantes son récit, sa question. C’est un travail de maïeutique qui s’opère de une à une dans un espace d’intimité et un lien de confiance. Je propose une première mise en forme écrite du récit, puis on ajuste ensemble suivant un processus d’allers-retours permanents.
L’essentiel de mon travail tel que je le conçois tient dans cette maïeutique de la parole : arriver avec chacune des participante à faire advenir une parole qui ne peut pas ne pas être, identifier ensemble ce qui est nécessaire, vital de dire et de faire entendre pour cette personne.
La parole individuelle se donne à écouter au collectif et nourrit des échanges, des débats, et des questionnements qui vont nourrir la création participative autant que le cheminement personnel.
Ensemble nous déterminons les axes de combats sociétaux que la création portera.
Nous menons pour ce faire un travail d’écriture collaborative, de mise en commun de ressources et d’improvisations collectives.
C’est l’éthique qui sous tend la posture d’éducatrice populaire : je ne me place pas comme sachante, mais je propose des dispositifs dont nous nous emparons collectivement. Je mets comme les autres mes savoirs, ma sensibilité et ma poésie, mon écriture au service de œuvre collective. J’assume cependant le rôle de dramaturge et de metteuse en scène.
Je veille à ce que chacun.e bénéficie de la reconnaissance totale du public. Iel ne sera pas regardée comme une comedien.ne amateurice dont on va juger la performance mais comme une agissante qui par son geste artistique meut le monde. L’exigence que j’impulse est d’aller au bout de ce geste. C’est à la fois faire en sorte que l’agissante soit dans son meilleur endroit, que ses failles et ses fragilités, sa rage aussi puissent exister, mais qu’elle soit recevable par le public. On passe de la nécessité de dire à comment se faire entendre part un déplacement poétique. En cela nous produisons un acte artistique commun et revendiqué comme tel.
Il y a bien sûr des personnes plus ou moins à l’aise avec la prise de parole public, avec leur corps. Nous ne cherchons pas une uniformisation du jeu, des présences et des corps, il y a au contraire une mise en valeur des pluralités et des singularité de chacune. C’est d’ailleurs ce qui va être apprécié par le public, de déplacer lui même ses cadres de références, et de pouvoir accorder à cet objet une valeur artistique et une valeur de transformation sociale.